dimanche, octobre 26, 2014

I have a dream...

Ce dimanche, il fait un peu gris, la choucroute mijote dans le fait-tout... Il me reste une petite demi-heure avant de passer à table, la famille est en route, j'ai le temps de me laisser aller à une petite rêverie informatique.

Mon camarade Antonio Goncalves, un des organisateurs de Devoxx.fr (pub plug) se plaint de l'incapacité de l'administration à mettre en place une informatique qui fonctionne.

Qu'en dire ? Qu'un programme comme Louvois, lancé en 1996, abandonné en 2013 après avoir foutu à la poubelle dépensé 470 M€ puisse avoir été un tel echec est la preuve que l'état est incapable de gérer son informatique. Et des faillites équivalentes, il y en a : project Chorus (500M€), Dossier Personnel Médicalisé (500M€ pour 400 000 patients...), l'Opérateur National de Paye (750M€).

J'ai également en tête l'informatisation de la DGI, où l'état avait missionné deux énormes sociétés française (sans doute pour les sauver en ces années de bulle internet...), qui facturaient entre 1000 et 2000€ la journée, et qui avaient bien sûr des sous-traîtants, qui eux même prenaient des sous-traîtants... Ceux qui ont effectués leur déclaration par internet la première année se rappellent bien de la totale incapacité du système à ternir la charge à l'époque bien faible. Le project COPERNIC a coûté 1.5G€ (cf le rapport du sénat).

Bref, on se dit qu'il y a des marges de progression. Mais dans quel cadre technique, juridique et surtout organisationel ?

C'est là que je me mets à rêver. Je lisais il y a quelques mois cet article édifiant, où était décrit l'opération commando qui 'sauva' Obamacare. Je me dis qu'il devrait être possible de faire la même chose en France.

Nous avons un vivier d'Open Sourceurs, assez large en plus. Dans des domaines variés, qui couvriraient largement le spectre de l'informatique mise en oeuvre par l'état. Ce sont nos impôts qui financent ces échecs, et ce sont également nos impôts qui (sur)payent les systèmes qui finissent par fonctionner (mal). Ne serait-il pas possible de réunir assez de compétences pour remettre en état un de ces systèmes, à coût nul pour l'état, pour un résultat fonctionnel, mais également moins onéreux en fonctionnement ?

L'idée - le rêve - serait de mettre à disposition d'un des projets en souffrance une équipe pluridisciplinaire compétente, disponible, et cela gratuitement.

La gestion de projet serait totalement collaborative, sans la contrainte temporelle et budgétaire si mortifère dans un cadre contractuel classique : à savoir que l'on se focaliserait sur les fonctionalités, les performances, l'évolutivité et les tests, au lieu de se limiter à livrer dans les temps, à l'aide de stagiaires si besoin (vécu...).

On s'épargnerait la recherche du profit - ou plus souvent la limitation des pertes dans l'espoir de se refaire grâce à de substantiels avenants que le client se voit bien obligé de signer... -, au profit de la satisfaction du 'client' - c'est à dire, le citoyen -.

Il serait possible de dire non, mais également de remettre en cause les choix initiaux, puisque l'objectif est d'aboutir à un système fonctionnel, sans craindre un clash avec le client. La relation avec ce dernier serait de même bien plus confortable, car on éviterait d'accumuler les "preuves" de malfaçons et de non respect des délais et des fonctionalités, puisqu'aucune pénalité de retard ne serait en jeu.

Bien sûr, on ne peut imaginer disposer de quelque dizaines d'informaticiens compétents pendant une période de six mois ou un an sans les payer, alors - second rêve - j'imagine un système de sponsoring, ou de crowdfunding permettant de financer cet effort.

Et pourquoi pas ?

A condition que les lobbies, puissant, des SSII, laisse faire, bien sûr : la fonction publique est une source majeure de revenu récurrents pour ces sociétés. Et que le droit administratif ne vienne pas se mettre au travers d'une telle démarche : comment éviter de passer au travers d'un appel d'offre public?

Dernier point : pourquoi ne pas profiter de ce cadre pour former ? Au lieu d'envoyer des stagiaires achever des projets comme on achève les chevaux, on les enverrait se faire former dans un cadre plus souple, et surtout par des personnes compétentes, et disponibles. Ce serait aussi l'intérêt des SSII de 'sponsoriser' un projet donné, par délégation de personnel : après tout, il n'est pas si fréquent de pouvoir se confronter à des problématiques complexes dans un cadre réel, sans les contraintes habituelles. Un lieu magique où la recherche de solution serait possible, un projet Manhattan à la Française en quelque sorte...

Et pour 50 personnes, payées - soyons généreux - 100 000 € par an, plus 2 M€ de frais de fonctionnement (ordinateurs, locaux, télécom, frais divers), soit 7M€ par an, allez, 10M€ en intégrant les charges sociales, je serai surpris qu'on n'arrive pas à produire quelque chose qui fonctionne, à comparer aux coûts délirants des projets nommés ci-avant...

On pourrait même imaginer les faire tourner dans un cloud Français ! (Ok, là,  je parle d'un vrai cloud, pas d'une sorte de FranceStein du cloud financé par vos impôt, hein !)

Ok, je rêve... Mais après tout ?

Et vous, il vous arrive de rêver aussi ?

Allez, la choucroute m'attend...

4 commentaires:

Antonio Goncalves a dit…

Imaginons un MOF (Meilleur Ouvrier de France), ébéniste, aimant son métier qu'il fait avec passion et professionnalisme, et qui irait travailler dans une grosse société de BTP. Bon, je crois que nous sommes tous d'accord pour dire qu'il serait "surpris", voir, consterner, par la qualité du travail.

Maintenant, imaginons des informaticiens, eux aussi, aimant leur métier, toujours à se remettre en question, utilisant des techniques qui évoluent tous les 5 ans, passant leur temps libre le nez dans les livres informatiques, conférences, JUGs et autres blogs.... qui iraient travailler pour un gros compte, un gros projet, entouré de centaines de prestataires. Il risquerait d'être surpris... voir consterner par la qualité du travail.

Aujourd'hui, l'informatique est partout : on paye les impôts en ligne, on crée sa boîte en ligne sur le site du Greffe, on déclare l'URSSAF en ligne, on s'abonne au RSI en ligne... Et, déformation professionnelle oblige, l'informaticien passionné qui fait toutes ses déclarations en ligne est consterné par la qualité des services fournis par ces sites.

Je suis informaticien, passionné, je travaille souvent avec des informaticiens eux aussi passionnés, j'évolue aussi dans des "grands" comptes, les mêmes qui mettent des services en ligne, je travaille sur ses services... et je suis consterné par la qualité du travail que je fournis.

Le problème de ces sites, de ces services, des projets sur lesquels nous travaillons, est rarement technique. Sur ces projets, il y a plein de techniciens de bonne volonté, donnant le meilleur d'eux-mêmes, aimant le travail bien fait... et pourtant, l'inertie des organigrammes, des cellules, des responsables, des contraintes organisationnelles et de la politique a gain de cause.

Je suis sûr qu'au RSI, à l'URSSAF, au Greffe..., il y a des informaticiens qui aiment leur travail et font du mieux qu'ils peuvent. Le résultat est catastrophique : les utilisateurs sont insatisfaits et les développeurs doivent m'être tout autant.

J'espère au moins que dans ce marasme, perdu dans ces organigrammes, il y a au moins qqu'un de satisfait ?!?

Emmanuel Lécharny a dit…

Antonio, on est d'accord. Mais le problème technique (je parle des solutions retenues, et mises en oeuvre) est parfaitement lié au choix qui est fait de faire appel à des sociétés commerciales :
- si la société est grosse, la structure l'est également, avec ses chefs de projets multiples
- si la société est petite, le problème des compétences se pose également (du fait de la petite taille de ces sociétés : on ne peut être un expert en tout !)

Il reste que les délais et le budget imposés sont également une contrainte forte : l'expert SGBD dont tu pourrait avoir besoin est déjà placé sur un autre projet, donc tu prends quelqu'un d'autre (et quelqu'un dont le tarif horaire serait compatible avec ton budget...

Tout est lié ! Délivre-toi des contraintes temporelles et financières, il te reste à gérer les eégos, c'est déjà pas mal !

Sylvain Avril a dit…

Déjà il y a premier problème. Ce sont toujours les mêmes sociétés qui gagnent ces appels d'offres. Elles se comptent sur le doigt de la main et foirent continuellement ces gros projets (public et privé). Pour se blinder, les responsables mettent tout un tas de clauses, dont des garanties financières qui font que de facto, seuls les grosses SSII peuvent y répondre. Il n'y a donc au départ que peu de choix dans les prestataires.

L'autre problème est la gestion au forfait (cause appel d'offre). Dans tous les cas, il n'y a qu'une des parties qui y gagne. Quand on travaille avec de grosses SSII, ce sont toujours elles qui gagnent. Elles ont un service juridique très compétent en gestion au forfait et elles truffent chacun de leur contrat de chausse trappes.
D'où la pléthore d'avenants car bien sûr aucun client n'est capable de définir clairement la solution qu'il veut avant de commencer sa conception réelle (on ne fait pas des meubles IKEA, on construit des bâtiments à la carte).
Cela donne lieu également à une bureaucratie avec énormément d'aller-retour de documents sans intérêt car il faut que tout soit tracé, juridique oblige. On connait les tableaux Excel méticuleusement rempli par les chefs de projets à chaque question posée au client avec la date remplie pour bien entendu vérifier à chaque fois que les conditions du contrat soit vérifiées. Bel exemple d'utilisation du temps d'un informaticien.
Mais le responsable client aime bien le forfait, il se sent sécurisé car il a l'assurance de maîtriser son budget. Dans la réalité, il se feront b***** tant qu'ils n'auront pas compris que la maîtrise du budget est dans leur main avec la maîtrise des besoins. L'open bar ça fonctionne dans la vraie vie, mais seulement parcequ'au bout d'un moment c'est régulé par le coma éthylique.

Et je passe sur les affaires de "copinage".

Rajoutons à cela les problème généraux de l'administration:
- un surnombre de cadre qui produit un mille-feuille hiérarchique et donne une MOA complètement déconnectée du terrain (quand il ne sont pas purement politiques). On peut arriver à un modèle métier complètement décalé à ajuster/refaire à la fin du projet.
- une aversion à la prise de risque énorme, qui fait que l'on cherche la sécurité ceinture+bretelle+casque+parachute+airbag, donc forcément une solution bien éculée et standard, à base d'usines à gaz, vendues par des gros acteurs ayant une grosse sécurité financière mais surtout beaucoup plus lourde à gérer et improductive. Même chose pour la gestion de projet.
- Kafka, bien sûr (il en a causé du tort ce monsieur).

Je ne vois pas réellement la situation s'améliorer, à moins que :
- on évite la gestion au forfait d'un bloc et que l'on explose ces contrats en éléments atomiques réellement gérables au forfait.
- l'administration améliore son efficacité en ayant une structure projet dédié, autonome et responsable
- que l'on encourage la prise de risque (au lieu de la sanctionner quelque soit le résultat)

Emmanuel Lécharny a dit…

Sylvain, en droit français, il n'y pas de place pour autre chose qu'un forfait. En tant que fournisseur, tu as une obligation de résultat, ce qui entraîne la définition du livrable, et partant, la détermination du prix de vente.

Concernant Kafka, je te laisse apprecier cet article parodique qui m'a bien fait rire : http://www.legorafi.fr/2014/10/23/complexite-les-heritiers-kafka-portent-plainte-contre-ladministration-francaise-pour-plagiat/